Levure Kveik : votre meilleure alliée pour brasser tout l'été

Brasser sous 35°C, mission impossible ? Pas vraiment…

L'été bat son plein depuis un mois déjà, l'occasion de se prélasser sur un transat, faire des barbecues entre amis, se promener en famille et ... ranger votre cuve de brassage ? Non. Pas forcément.

Il fut un temps, c'est vrai, où brasser en été représentait un vrai défi : refroidissement du moût compliqué, températures de fermentation trop élevées, levures en PLS qui développent tous les faux-goûts que la Terre ait jamais porté... Bref, un cauchemar brassicole que beaucoup préféraient éviter en rangeant leur matériel jusqu’à la rentrée.

Mais ça, c'était avant. Aujourd'hui je vous emmène avec moi dans l'univers des levures Kveik, un monde merveilleux qui nous permet de brasser tout l'été !

Comment je suis tombée dans la marmite (de Kveik)

La levure Kveik, je suis tombée dedans fin 2021, grâce à un ami mexicain venu nous rendre visite en France. Il nous a gentiment ramené deux sachets de Lutra, la levure phare d’Omega Yeast, encore introuvable ici à l’époque.

Avec Eduardo, on avait vaguement entendu parler de ses caractéristiques incroyables (fermentation rapide, haute température, profil ultra propre...). Franchement, ça nous semblait un peu exagéré.

Ni une ni deux, on se met à brasser un premier test : notre désormais célèbre Pseudo-lager d’Alsace. Et là, BAM. Subjugation, époustouflement, joie : ça marche !

À ce moment-là, on était loin des températures caniculaires (décembre dans le nord de la France), mais une bière qui ressemble à une Lager fermentée à 20°C ? C'était déjà suffisamment bluffant pour nous donner envie d'enquêter plus sérieusement sur ces “super-levures”. Alors en été, qu'est-ce que ça donne ?

C’est ce que je vous propose de voir dans cet article dédié au meilleur allié du brasseur en pleine canicule : les levures Kveik.

C'est quoi, une levure Kveik ?

La tradition de génération en génération

On parle, on parle mais on n'a toujours pas proprement présenté la star de cet article. “Kveik” (à prononcer “kvèïk”) est un mot norvégien signifiant simplement “levure”. Derrière ce mot, on trouve une collection de levures ancestrales utilisées par les fermiers brasseurs du nord de l’Europe depuis des siècles, souvent transmises de génération en génération. 

Image tirée du blog de Lars Marius Garshol (www.garshol.priv.no/download/farmhouse/kveik.html)

C’est notamment grâce aux recherches de Lars Marius Garshol (je vous recommande d'ailleurs vivement la lecture de son blog et/ou son livre "Historical Brewing Techniques") que le monde moderne a découvert cette petite merveille de rusticité et d’efficacité.

Qui dit même famille ne dit pas identiques, il n'y a pas UNE levure kveik mais bien un bon gros nombre de souches qui certes, présentent des similarités entre-elles mais ont bien chacune un profil et des caractéristiques uniques. Intéressons-nous d'abord à leurs points communs.

Des caractéristiques communes qui les distingue des autres familles de levure

Les souches Kveik partagent toutes quelques traits communs assez bluffants :

• Elles fermentent très rapidement.
• Elles peuvent fermenter jusqu'à 30-35°C (voir plus) sans présenter de faux-goûts, mais vont plutôt donner un profil aromatique propre ou d'esters (souvent fruités).
• Elles présentent une atténuation moyenne à élevée (souvent aux alentours 75-85 %) et floculent très bien.
• Elles ont une très haute tolérance à l'alcool (souvent jusqu'à 13-16 % ABV).
• Elles sont très robustes et faciles à sécher (si le coeur vous en dit).

En gros : elles bossent super vite, super bien et en plus, avec le sourire.

Kveik ≠ levure unique : un monde de souches à explorer

Comme je vous le disais plus haut, les “Kveik” c'est un groupe de souches (souvent issues de mélanges) avec chacune son profil aromatique et ses particularités.

Certaines sont neutres, d’autres très fruitées, d’autres encore donnent des notes de poivre, d’agrumes ou de fruits à noyaux. Bref, il y en a pour tous les goûts et tous les styles.

Pourquoi les levures Kveik sont parfaites pour l’été ?

Plus besoin de chambre de fermentation ou de contrôle de température

C’est le gros point fort des levures Kveik : la chaleur, c'est leur dada. Fini les minutes (voire heures) interminables à attendre que le moût refroidisse jusqu'à 18-20°C pour enfin pouvoir y ajouter notre levure, pas besoin de frigo régulé, de cave fraîche ou autre manteau de glycol; elles fermentent tranquillement là où d’autres seraient en burn out depuis longtemps. 

Quand rapidité rime avec qualité

Oui je sais, "le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui" mais le temps a-t-il simplement déjà rencontré simplement rencontré une levure Kveik ?
Une Lutra bien ensemencée peut terminer sa fermentation en 3 à 4 jours seulement, avec une propreté qui ferait pâlir une US-05.

Petite précision tout de même : je suis tout à fait d'accord pour dire que n'importe quelle bière s'affinera avec le temps, même celles fermentées avec une levure Kveik. Je veux simplement souligner ici le fait que pour la plupart des autres levures (hormis les souches de Saison ❤️) on n'aura clairement pas le même résultat dans les mêmes conditions.

Image : levure Lutra prête à être ajoutée en fermenteur.

Des profils variés pour un monde de possibilités

Certaines Kveik donnent des esters tropicaux, d’autres des notes plus rustiques, d’autres enfin sont très propres voire neutres. C’est l’occasion rêvée de tester des styles différents, ou de revisiter vos classiques.

• Une Pale Ale avec la levure Voss de Lallemand
• Une NEIPA avec la levure Hornindal de WHC
• Une Witbier avec la levure Jovaru d'Omega Yeast
• Une Pseudo-Lager avec la levure Lutra d'Omega Yeast 
• Stout avec la levure K.14 de Kveik Yeastery (bon là clairement ça vaudra le coup de la laisser s'affiner) ... 

Mon top des souches Kveik à tester

Avoir autant de possibilités, c'est bien mais parfois ça nous complique un peu la tâche au moment de choisir. Je vous partage donc ici mon petit top 3 personnel.

Lutra Kveik (Omega Yeast) : ma première Kveik et toujours un coup de cœur

Ultra propre, rapide, simple à utiliser. Elle flocule incroyablement bien. C'est simple, chaque fois que je l'ai utilisée, à l'ouverture du fermenteur j'ai trouvé une bière complètement transparente. Elle s'adapte à tous les styles mais pour moi, son profil clean en fait un excellent choix pour tout ce qui est Pseudo Lager. En témoignent mes recettes :

• Pseudo Festbier (la fameuse Pseudo-Lager d'Alsace)
• Pseudo Dunkel vanille - piment fumé (une gourmandise tout en légèreté).

Petite recommandation quant à cette levure : j'ai parfois eu des retours d'autres brasseurs m'indiquant que poussées à 35°C, la Lutra perdait un peut de sa propreté, privilégiez donc de ne pas dépasser les 30°C.

Jovaru (Omega Yeast) : ma nouvelle levure fétiche

Ayant déjà consacré un article entier à cette levure exceptionnelle, je vais rester assez brève ici. La Jovaru, c'est un petit bijou pour tout ce qui est bières Saison et Witbier. Pas tout à fait classée comme une Kveik, cette "Farmhouse lituanienne" en a pourtant toutes les caractéristiques. Si vous ne l'avez pas encore testée, j'ai deux recettes à vous proposer :

• la Witbier Paradis Blanc avec ses ajouts de graines de paradis et d'écorce d'orange.
• la Saison V avec ses ajouts de gingembre et de poivres, médaillée d'or à l'édition de 2025 du concours France Bière Challenge.

Image : moi regardant amoureusement la souche Jovaru

Hornindal (WHC en version sèche ou Omega Yeast en version liquide) : un grand classique pour les NEIPA juteuses

Ça va peut-être vous faire sourire mais cette levure est tellement un classique pour fermenter les NEIPA que je ne l'ai encore jamais utilisée, voulant explorer d'autres possibilités (Kveik pou pas Kveik d'ailleurs). Qu'à cela ne tienne, sa description saura sûrement vous séduire : des notes d'ananas, de mangue, de mandarine et de fruits exotiques en général. Alliées à une atténuation faible à moyenne (entre 73 et 80%) c'est simple, la Hornindal c'est la promesse d'un bon jus de fruits tropicaux. À tester de toute urgence (et oui, là c'est à moi que je parle).

Conclusion : brasser en été n’a jamais été aussi simple (ni aussi fun)

Les Kveik, c’est un peu comme avoir une super-levure dans sa poche : rapide, tolérante, aromatique et accessible à tous. Même en pleine canicule, qu'on soit débutant ou confirmé, opter pour une kveik permet de rayer le contrôle de température de sa checklist de préoccupations et ça, ça fait du bien.

Je suis curieuse de savoir si vous fermentez avec des levures Kveik et si oui, lesquelles ? Dites-le nous en commentaire :)

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Sources :

https://www.garshol.priv.no/download/farmhouse/kveik.html

https://www.brewer-world.com/lalbrew-voss-kveik-a-deep-dive-into-the-history-of-the-ancient-kveik-yeast-strain/