Eau de brassage pour IPA : l'essentiel des réglages qui font (vraiment) la différence

Eau de brassage pour IPA : l'essentiel des réglages qui font (vraiment) la différence

Ingrédient souvent négligé voire mal aimé au moment de préparer nos brassins, l'eau représente pourtant 85 à 95% de la bière(1). Avec un tel pourcentage, difficile de croire que sa composition n'aura pas d'incidence sur notre boisson finie. Alors oui, pour certains d'entre-nous (moi), l'aspect scientifique et chimique peut sembler rebutant au premier abord (toujours moi) mais lorsque l'on se rend compte du potentiel, on a vite fait de passer au dessus de ses premières réticences. Alors accrochez-vous, aujourd'hui on se retrousse les manches en tentant d'aller à l'essentiel : les réglages de l'eau pour IPA et NEIPA. 

L'impact de l'eau sur la bière

La composition de l'eau de brassage va influencer 3 facteurs principaux de la bière (2) :

  • Impacter le pH de la bière (qui va à son tour influencer l'expression des arômes de la bière).
  • Affiner les détails (l'une des méthodes les plus efficaces pour passer d'une bonne bière à une excellente bière).
  • Apporter des saveurs indésirables liées notamment au chlore.

Le pH d’empâtage : là où tout commence

On commence par la première chose à laquelle on ose généralement toucher quand on s'intéresse à l'eau : le pH. À l'empâtage, le pH conditionne le rendement, la fermentabilité et la "propreté aromatique". En général la fourchette à respecter est placée entre 5,2 et 5,6, à mesurer à environ 20°C. Des travaux techniques (notamment ceux présentés sur Braukaiser.com (3)) montrent un rendement optimisé lorsque le pH est proche de 5,2–5,3 (à température ambiante), dans les mesures basses donc, de la fourchette communément partagée. Personnellement, pour ne pas tomber trop bas, je préfère viser 5,4 et ajuster par la suite s'il le faut.

Conseils pratiques : corrigez votre eau avec de l'acide lactique ou phosphorique. Personnellement, j'ai constaté que pour baisser mon pH, j'ai toujours besoin d'une quantité moindre d'acide phosphorique que d'acide lactique.

Sulfate/Chlorure : les deux sels les plus importants à travailler dans une IPA

Le sulfate (SO₄²⁻) accentue le côté sec, la netteté et la perception d’amertume ; le chlorure (Cl⁻) arrondit, met en valeur le malt, “adoucit” les houblons. Combinés, ces deux sels vont donc aider à accentuer tel ou tel aspect de notre bière. Je les vois un peu comme l'assaisonnement en cuisine. pour travailler l'ajout de ces sels, on part souvent en terme de ratio. Selon le style d'IPA, Craft Beer & Brewing propose un repère clair : 

  • Pour une West Coast IPA : on peut partir sur un ratio d'environ 4:1 (SO₄:Cl), avec un rappel de plafonds pratiques pour éviter le goût minéral (SO₄ < 400 ppm, Cl⁻ < 200 ppm)(4).
  • Pour les NEIPA (juteuses), on privilégiera l'inverse : Cl⁻ ≥ SO₄ (on sera plutôt sur 1:2 voire 1:3 en faveur du chlorure) pour une texture plus douce. C’est cohérent avec les observations de Scott Janish quand le chlorure domine(5).
  • Attention quand même à ne pas dépasser une certaine dose ! Toujours selon Craft Beer and Brewing, passé une certaine quantité, votre bière prendra un goût âcre, minéral ou pire encore. Une bonne règle générale consiste à maintenir les sulfates à un niveau inférieur à 400 ppm et les chlorures à un niveau inférieur à 200 ppm(4).

Remarque : Ces recommandations sont des fourchettes partagées dans la plupart de la littérature brassicole. Certains brasseurs (très) expérimentés osent parfois s'aventurer haut-delà. Comme toujours, à vous d'expérimenter et d'en tirer vos propres conclusions.

Calcium (Ca) : stabilité et clarté avant tout

Le calcium est aussi un élément important dans l'eau de brassage. Il aide à baisser le pH, à la floculation de la levure et contribue donc à la clarté de la bière et à la stabilité des saveurs. En prenant cet élément en compte, on comprend mieux pourquoi le gypsum (sulfate de calcium) et le chlorure de calcium font partie des sels les plus utilisés pour les IPA. Craft Beer & Brewing rappelle ce rôle central du Ca dans les ajustements de base. Côté fourchette, j'en ai trouvé une sur le site de beersmith(6), ou plutôt trois :

  • Peu ou pas de calcium (< 50 ppm) donnera une bière au goût doux en fin de bouche.
  • Un niveau modéré de calcium (50-100 ppm) donnera une bière bien équilibrée et correctement structurée.
  • Un niveau élevé de calcium (100-150 ppm) donnera une finale ferme et est souvent utilisé dans les IPA à densité élevée et dans les bières brunes. Attention : des niveaux très élevés de calcium peuvent également perturber l'équilibre de la bière finie.

Comment on fait ?

Pour moi, le plus simple comme toujours est de s'appuyer sur le site moneaudebrassage.fr. Voici un exemple concret d'application sur une NEIPA brassée avec de l'eau Volvic. Si vous vous demandez pourquoi j'ai décidé d'utiliser une eau peu minéralisée, c'est parce que je voulais ajuster les chlorures. 

Ci-dessous je vous partage une image de l'étiquette de la bouteille où l'on peut voir le fameux profil de l'eau Volvic. Comme vous pouvez le voir, c'est un profil très calme malgré le fait qu'il s'agisse d'une eau qui vient du sous-sol. Je suis allé enquêter un peu sur l'histoire de Volvic et apparemment l'origine de l'eau vient d'une région volcanique inactive.

Pour travailler à partir de ce profil d'eau, j'ai rentré ces paramètres directement sur le site de moneaudebrassage.fr, dans l'onglet "Profil d'eau personnalisé".

On choisi ensuite le style "Hazy IPA". Ici nous avons traité un total de 34 litres d'eau. Au final, les quantités de sels que nous avons ajoutées ont été conçues pour obtenir un rapport chlorure/sulfate de 3:1.

Ce qui est vraiment pratique avec ce site c'est qu'on peut voir directement quel effet aura telle ou telle quantité de sel. Je vous invite à augmenter et diminuer les quantités de chacun d'entre eux pour mieux appréhender leurs effets sur la bière. Il en va de même pour l'acide : vous pouvez augmenter ou diminuer la quantité d'acide à l'aide de la barre horizontale et elles se mettront à jour d'elles-mêmes, ou bien entrer la quantité dans la case et voir comment la valeur de la barre est mise à jour.

Pour le calcul de l'acide dans ce brassin particulier, nous avons utilisé :

Astuce : comme je vous le disais plus haut, personnellement avec l'eau de mon robinet il m'arrive régulièrement de dépasser les fourchettes recommandées avec l'acide lactique pour atteindre un pH convenable. Dans ce cas, j'opte pour de l'acide phosphorique et tout rentre dans l'ordre :).

Conclusion

J'espère que ce petit aperçu des réglages du profil d'eau d'une IPA aura su vous éclairer et vous donner envie de vous pencher sur le sujet. N'hésitez pas à me partager votre expérience en commentaire et à me dire si vous souhaitez plus d'informations sur le profil d'eau.

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Sources

(1) https://www.bjcp.org/exam-certification/program/studying/beer-exam-study-guide/water/

(2) https://www.beerandbrewing.com/brewing-water

(3) https://braukaiser.com/documents/effect_of_water_and_grist_on_mash_pH.pdf

(4) https://www.beerandbrewing.com/learning-lab-water-treatment-for-all

(5) https://scottjanish.com/chasing-mouthfeel-softness/

(6) https://beersmith.com/blog/2022/12/01/calcium-and-beer-structure-in-beer-brewing/

4 commentaires

  • Alice MotlerHops

    @Dimitri
    Bonjour Dimitri !
    Un plaisir de voir que mes articles peuvent aider ! Hâte d’avoir des nouvelles de cette Porter coco :)

  • Alice MotlerHops

    @Roland
    Haha je prends note pour l’acide citrique :p
    Merci pour ton commentaire !

  • Roland

    Salut Alice !
    Merci pour tes informations bien utiles + !
    Dans le cas des “Blanches”, j’ai déjà utilisé l’acide citrique pour baisser le pH sans pour autant en faire de la citronnade ! lol

  • Dimitri

    L’article qui tombe juste bien. Ça fait des semaines que je brûle mes derniers neurones à tenter de comprendre comment BIEN ajuster un profil d’eau pour surtout ne pas jeter un brassin de 10L, alors du coup, cette article plus les deux autres que vous aviez déjà rédigé je pense être fin prêt pour me lancer et faire ma première bière digne de vos talents de brasseuse.
    Ma prochaine brasse est une Porter coco, sa fait bien deux mois que travail dessus et je pense que ça y est, grâce à vous.
    Merci

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