Eau de Brassage : Guide Pratique Partie 1 - Ajuster le Volume

Eau de Brassage : Guide Pratique Partie 1 - Ajuster le Volume

Eduardo Mota - 20/08/2024 | Lecture : 10 min

Bien que la bière soit en général composée à 90-95% d'eau, c'est souvent le dernier auquel la plupart des brasseurs amateurs prêtent attention. Et si l'on veut être tout à fait honnête, les ingrédients comme le houblon, la levure et le malt sont bien plus responsables du résultat final que quelques sels ajoutés au début du brassin. Malgré cela, l'eau aura une influence considérable sur notre bière finie, je pense que c'est son ajustement qui vous permettra de passer à un niveau supérieur dans le brassage.

Ce guide sera divisé en deux parties, la première concerne le volume d'eau nécessaire à la fabrication de notre brassin et la seconde, qui sera publiée très prochainement, concernera l'ajustement du profil d'eau. Pour développer ces sujets, je m'appuierai sur quelques outils que je partagerai volontiers avec vous afin que vous puissiez également effectuer les ajustements de votre côté.

    Calculer le Volume d'Eau Nécessaire pour le Brassage

    Le calcul de l'eau est un sujet qui n'apparaît que trop rarement dans la littérature brassicole. En fait, depuis la première vidéo que nous avons publié sur le sujet, j'ai essayé de trouver plus d'informations, mais lorsqu'il s'agit de l'eau, j'ai souvent l'impression que les auteurs sautent le sujet et passent directement à la question de la qualité et non de la quantité.

    En règle générale, et pour presque tous les brasseurs, je dirais qu'il y a cinq variables auxquelles il faut faire attention. Et, s'il vous manque quelques litres de bière à la fin de votre session de brassage, je vous conseille de vous intéresser à ces différents points :

    1. Le volume de bière finale que vous souhaitez obtenir (à part ce volume, tous les autres volumes d'eau que nous utiliserons sont considérés comme des pertes).
    2. L'eau absorbée par les grains.
    3. L'eau qui s'évapore pendant l'ébullition.
    4. L'eau piégée dans le matériel (tuyaux, pompe, fond de la cuve, etc.).
    5. La contraction du moût lors du refroidissement.
    • Variables bonus : aujourd'hui, en plus de ces 5 variables, je considère également la lie de levure laissée au fond de mon fermenteur et, si je fais un dry hop, j'ajouterais aussi l'eau absorbée par le houblon.

    Ces variables telles qu'elles sont énoncées proviennent du livre « Designing Great Beers ». C'est à ma connaissance et à ce jour, le seul livre dans lequel on parle de ce sujet. Les autres livres donnent en général des indications sur la quantité d'eau à utiliser pour développer leurs recettes, simplement en prenant en compte l'équipement de l'auteur.

    Dernier point sur le livre de Ray Daniels : il n'y a aucune référence aux variables bonus, mais celle-ci me semblent très importante : dans mon cas particulier, cette perte de bière finale correspond à un volume encore plus grand que la contraction du moût pendant le refroidissement.

    Avant de passer à la partie pratique, je vais expliquer chacune des pertes :

    • Lors de l'empâtage, les grains absorbent une quantité d'eau qui ne peut être récupérée à 100%. Il faut considérer que le but de cette étape est d'extraire le sucre et les protéines des grains et que, par conséquent, le poids des grains après le brassage n'est pas le même qu'au début.
    Toujours dans le livre « Designing Great Beer », il est question des cuves d'empâtage, qui sont généralement utilisées dans l'industrie brassicole pour les grands volumes. Dans le livre, apparaît un tableau de valeurs suivant : dans la colonne de gauche, on trouve le poids des grains et dans la colonne de droite, la quantité d'eau perdue : 

    Ce livre est en espagnol, mais ce que je voudrais montrer, c'est la quantité d'eau qui est considérée comme retenue par kilo de malt. Si nous faisons une règle de trois, il est considéré que pour chaque kilo de malt, 1,67 litre d'eau est retenu (soit 40 % de plus que la masse de grains en question).

    * Avant de continuer, je voudrais faire une petite parenthèse, car au début nous utilisions ces données telle quelles, et nous obtenions systématiquement un volume de moût plus important, ce qui diliait notre densité. Je pense que dans ce tableau, l'auteur fait référence à des équipements professionnels où il n'y a pas d'accès ou de possibilité de manipuler les grains après l'empâtage.

    À notre petite échelle et compte tenu de notre méthode d'empâtage (BIAB), nous ne dépassons jamais 1 litre par kilogramme, mais nous considérons que cela dépend aussi du type de grain, du volume des grains, donc dans notre calcul nous l'exprimons en termes de pourcentages, des pourcentages qui se situent autour de 50 % de la masse initiale, c'est-à-dire que si nous utilisons 6 kilos de grains, nous considérerons que 3 litres d'eau seront retenus. 

    • La perte d'évaporation est mesurée en termes de temps pendant le processus d'ébullition (généralement une heure), ce qui dépend beaucoup de la quantité d'eau bouillie et de la source de chaleur. Pour établir votre pourcentage de perte durant cette étape, nous vous recommandons de faire bouillir de l'eau pendant une heure, à l'intensité que vous jugerez appropriée, et de mesurer ensuite la quantité d'eau qui s'évaporée. Cette mesure peut varier considérablement entre les brasseries professionnelles et les brasseurs amateurs. De nombreuses brasseries ont un taux d'évaporation d'environ 5 %, alors que, personnellement, notre équipement nous donne un taux d'évaporation d'environ 15,3 %.

    Attention : ne pas considérer uniquement l'évaporation pour l'ébullition ! Si l'on prévoit des ajouts de houblon pendant le whirlpool, il y aura également un petit volume qui s'évaporera à ce moment-là.

    • L'eau qui est piégée dans l'équipement correspond à tout le volume qui est piégé dans les tuyaux, le fond de la cuve, le refroidisseur, la pompe, etc. etc. etc. La mesure de ce volume se fait de la même manière que l'ébullition, une fois que vous avez reçu votre matériel, vous pouvez quantifier ce volume en faisant un premier test.

    Dans notre cas, ce volume de liquide est évident jusqu'à la fin du processus, une fois que nous transférons la bière dans le fermenteur, il y a toujours un volume qui reste piégé, surtout dans les tuyaux et dans le refroidisseur.

    • La contraction de l'eau n'est pas un phénomène aussi évident que l'évaporation, mais l'eau a des propriétés physiques différentes en fonction de sa température, et il est compréhensible de penser qu'après ébullition le volume de l'eau va changer. Ce changement de volume est d'environ 4% et est dû à la différence de densités liée à la température.
    • Comme j'en parlais plus haut, il y a pour moi d'autres pertes de volume secondaires à considérer, même si elles ne sont pas beaucoup abordées dans le livre. Deux me semblent très importantes : la lie de levure au fond du fermenteur, et l'eau qui reste piégée dans les résidus de houblon. Dans mon cas particulier, je considère toujours 1 litre de bière finale en plus (pour mes brassins de 19 litres) et en ce qui concerne le houblon, si nous parlons d'une IPA bien chargée, jusqu'à 1 ou 2 litres en plus.

    Calculer le volume d'eau de son brassin, la pratique

    Maintenant que nous avons expliqué la plupart des pertes, calculons le volume d'eau total nécessaire pour produire 19 litres de notre Session NEIPA Eclipse bien houblonnée.
    Cette recette nécessite 3,8 kg de grains et 190 grammes de houblon et 1 heure d'ébullition. Pour réaliser ces calculs, nous partons toujours du volume de bière finie que nous souhaitons (ici : 19L en fût) pour ensuite remonter chaque étape en sens inverse (refroidissement puis ébullition puis empâtage) :
      • Volume de bière embouteillée (ou en fût) : 19L.
      • Volume versé dans le fermenteur (à la fin du refroidissement) : 21L (19L + 1L perdu dans la lie de levure + 1L absorbé par le houblon du dry hop.)
      • Avec prise en considération du volume qui reste dans mon équipement : 22L (21L + 1L qui reste piégé dans mon refroidisseur et mes tuyaux.)
      • Contraction : 22L / 0,96 =  22,91L (le chiffre de 0,96 est dû à la perte de 4% de la différence de densité due au changement de température.)
      • Évaporation : 22,91L / ( 1 - (ratio évaporation x dur. de l'ébullition) ) = 22,91 / (1 - (0,153 x 1 )) = 22,91 / 0,847 = 27,04L
      • C'est le volume que je dois recueillir après l'empâtage et avant l'ébullition, c'est aussi le volume avec lequel je prends ma densité pré-ébullition : 27L
      • Absorption des grains : 3,8KG x 0,7 = 2,66L (en considérant 70 % de liquide retenu dans les grains par rapport au poids total)
      • Volume total d'eau pour ce brassin : 27,04 + 2,66 = 29,7L d'eau
      Comme vous pouvez le constater, les volumes d'eau sont calculés de l'arrière vers l'avant, c'est-à-dire en tenant compte du volume de bière que vous souhaitez obtenir et en ayant une idée claire de votre processus de brassage, de manière à ce qu'un litre d'eau ne disparaisse pas de nulle part ou qu'il n'y ait pas de surprise.
      Personnellement, j'ajoute ce volume en totalité dès le début du brassin car je brasse en BIAB (Brew in a Bag), en général ma cuve peut contenir ce volume d'eau en plus des grains et avec mon système de recirculation, j'arrive à obtenir des rendements assez bons.

      Cependant, avant d'avoir ce système, mon empâtage se faisait dans une glacière cylindrique type « Igloo » et je faisais le fameux « sparge ». Dans ce cas, une fois les calculs précédents établis, j'ajoutais les étapes suivantes :
      • Volume total d'eau : 29,7L ≈ 30L
      • Ratio eau/grains : 3L/KG de grains = 3 x 3.8 = 11,4L (la valeur de 3L/kg est un ratio assez courant.)
      • Perte dans mon matériel : 11,4 + 3 = 14,4L  (ma glacière était équipée d'un faux fond pour éviter de boucher le robinet de sortie, cette eau a été rajoutée pour remplir cet espace et équivalait à 3L d'eau).
      • Volume d'eau pour l'empâtage : 14,4L
      • Volume d'eau pour le rinçage : 30 - 14,4 = 15,6L
      Pour des raisons pratiques, j'utiliserais certainement 15 litres d'eau pour l'empâtage et 15 litres pour le rinçage. À vous d'ajuster en fonction de la précision avec laquelle vous mesurez votre eau.
      Ainsi s'achève la première partie de ce guide pratique dédié à l'eau de brassage. Restez attentifs, nous publierons très prochainement la deuxième partie, qui concernera les ajustements à effectuer pour avoir un profil d'eau adapté à notre style de bière et à nos préférences. Abonnez-vous à notre newsletter pour ne plus perdre aucune info publiée sur ce blog ;)

      2 commentaires

      • Alice MotlerHops

        À @Régis
        Bonjour Régis, Merci pour votre commentaire. Les “variables bonus” ont simplement été appelées comme ça par Eduardo parce qu’elles n’apparaissent pas dans le livre “Designing Great Beers”, mais qu’elles nous semblent tout de même importantes à prendre en compte dans nos calculs :)

      • Régis

        Bonjour,
        Merci pour cet article . J’ai toujours des doutes sur ce sujet. Je mets tout ça en pratique dés le prochain brassage. Mais j’ai pas compris ce que vous appelez “variable bonus”
        Cordialement,
        RL

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