Comment faire de la bière - 5 étapes clés

Comment faire de la bière - 5 étapes clés

Alice Leroy - 10/01/2025 | Lecture : 12 min

"Comment brasser sa bière ?"

Cette question, je me la suis posée un bon nombre de fois avant de me lancer dans le brassage amateur, il y a maintenant huit ans. Il y a peu, j'ai lu un concept qui m'a interpellée. Il expliquait que plus on apprend d'un sujet et plus on a l'impression de ne rien en connaître. Cela s'expliquerait par le fait que plus on en apprend, plus on se rend compte de l'étendue des choses à découvrir et à approfondir et donc de tout ce qui nous "manque" pour l'appréhender complètement.

Et effectivement, quand on met un pied dans le monde du brassage, c'est l'impression qu'on peut vite avoir. Quels malt utiliser ? Pourquoi ? À quelle température les empâter ? Que se passe-t-il pendant l'empâtage ? Quel pH dois-je viser ? Quoi ? Le pH est important ? Mais pourquoi ? Enfin, si vous êtes en train de lire ces lignes, vous devez certainement voir où je veux en venir. Encore aujourd'hui, j'ai parfois l'impression d'être au pied d'une montagne de connaissances à gravir et qu'elle grandit de deux mètres lorsque j'arrive à en gravir un. En ce début d'année, j'avais donc envie de revenir à l'essentiel et de revoir les bases des bases, l'essentiel à savoir lorsque l'on commence à s'intéresser au brassage de la bière. J'ai essayé de condenser tout ça en 5 étapes clés.

0. L'hygiène

Comment ça, étape n°0 ?

Oui, ce n'est pas une étape à proprement parler mais je pense que c'est quand même primordial de le connaître avant de se lancer. L'hygiène, la désinfection, le nettoyage, c'est simple, si vous trouvez que nettoyer et ranger à fond votre cuisine après avoir cuisiné pendant des heures c'est au dessus de vos forces (pas de jugement, je peux comprendre), je vais être assez directe : peut-être que le brassage de la bière n'est pas fait pour vous... Parce qu'en plus du nettoyage, à partir de l'une des étapes que l'on va voir dans cet article (la fermentation), c'est simple il faudra tout, tout, TOUT désinfecter, sous peine de voir tous ses efforts réduits à néant (ou au mieux, en faux-goûts plus ou moins buvables mais ça, ça sera le sujet d'un prochain article ...).

Si vous voulez devenir un pro du nettoyage et de la désinfection, je vous invite à jeter un coup d'oeil à cette vidéo :


Voilà, maintenant que je vous ai donné ce premier points, on peut entrer dans le vif du sujet, c'est parti !

1. L'empâtage

L'empâtage, je dirais que c'est l'étape où la magie commence à opérer. Bien sûr, au préalable il aura fallu concasser ses grains "ni trop fin, ni trop épais" (vous avez la ref ?) mais globalement, quand on débute, on commence rarement par créer ses propres recettes ou à modifier son profil d'eau donc, pour cet article, ne nous attardons pas sur ces sujets. Et pour revenir au concassage des grains, vous pouvez demander cette option directement lors de votre commande auprès de votre boutique préférée (la mienne par exemple) et ainsi obtenir des malts concassés à la perfection, ça serait dommage de s'en priver et ça permet de ne pas tout de suite investir dans un moulin.

Bref, l'empâtage, c'est le moment où on va "infuser" nos malts dans notre eau. Pourquoi ? Parce que les grains contiennent - entre autre - de l'amidon et des enzymes. En activant ces dernières, à un certain degré de température que l'on verra juste ci-dessous, on va permettre à l'amidon d'être converti en sucre, ce qui nourrira la levure par la suite pour se transformer en alcool et en CO2. C'est donc une étape indispensable à la réussite d'une bière.

Comme je vous le disais plus haut, l'eau doit être à une certaine température pour pouvoir extraire les sucres de nos grains : 

Source image : crispmalt.com

Température d'empâtage pour extraire les sucres des grains

Pour résumer ce schéma, si nous empâtons nos grains à :

  • Entre environ 61 et 66°C : c'est la beta-amylase qui va s'activer, et qui va principalement convertir l'amidon en sucres fermentescibles. Qui dit sucres fermentescibles dit consommables par la levure, qui dit consommés par la levure dit transformés en alcool (et CO2) et enfin moins de sucres résiduels présents dans la bière finie donc moins de corps mais plus d'alcool.
  • Entre environ 67 à 71°C : on active plutôt l'alpha-amylase, qui elle va plutôt extraire les dextrines, des sucres non-fermentescibles. Les levures "classiques" ne pouvant consommer ces sucres, on va alors empâter à ces températures lorsque l'on souhaite plus de corps, une finale plus ronde et une bière plus "gourmande", moins rafraîchissante.

Comme point de départ, on peut partir sur 66°C pendant une heure et ça sera déjà très bien, l'important est surtout de maintenir le plus possible cette température de façon stable. 

Ensuite, il faudra retirer les grains de la cuve et les rincer afin d'obtenir notre volume d'eau pré-ébulliton. Que veux-je dire par-là ? Qu'une fois l'heure d'empâtage terminée, on doit séparer le liquide obtenu des grains. Le problème, c'est que ces fameux grains sont encore couverts d'une bonne partie du sucre qu'on a justement voulu extraire, on doit donc les "rincer" pour récupérer le plus possible de ces sucres. C'est là qu'intervient l'eau qu'on aura préalablement chauffée et conservée dans notre glacière, afin de la verser par dessus nos grains (désormais à ce stade nommés "drêche"). En général, l'eau de rinçage doit être à une température un peu plus élevée que la température d'empâtage (entre 75 et 80°C).

Note : Pourquoi je ne fais pas de rinçage ? On me pose régulièrement cette question et j'ai plusieurs explications à cela. La première est que je brasse dans une cuve d'une capacité de 50L qui me permet de mettre dès le départ la totalité de mes grains + le volume total d'eau dont j'aurais besoin (eau d'empâtage + eau de rinçage). La deuxième raison est que mon équipement permet de recirculer mon moût pendant tout le processus d'empâtage. Je perds certainement quelques points d'efficacité mais à mon échelle et au vu du gain de temps, j'en suis plus que satisfaite. 

Une fois ce volume atteint, on peut retirer un petit échantillon pour vérifier notre densité pré-ébullition et ainsi pouvoir se situer sur le bon déroulement de notre processus (et faire des ajustements si nécessaire).

2. L'ébullition

C'est ensuite le moment de monter la température et de porter tout ça à ébullition. Dans la plupart des recettes, cette étape dure une heure. On va donc partir sur ce délai-là. C'est aussi souvent le moment d'ajouter nos premiers houblons.

Schéma "classique" d'ajouts de houblon : 

  • un ajout en début d'ébullition pour profiter au maximum de ses propriétés amérisantes (idées de variétés de houblons amérisants : Magnum, Nugget, Brewer's Gold ...)
  • un ajout à 20-15 minutes pour travailler les saveurs (exemples de variétés à utiliser : Mosaic, Cascade, Barbe Rouge, East Kent Golding ...) 
  • un ajout à partir de 10 minutes jusqu'à la fin de l'ébullition voire pendant le refroidissement (nommé whirlpool ou hopstand) pour plutôt travailler les arômes (exemples de variétés de houblon à utiliser travailler les arômes de la bière : Citra, Galaxy, Nectaron, Eclipse ...)

À noter 1 : 

Source image : littlebock.fr

Le temps d'ajout indiqué pour les houblons correspond bien au temps de contact du houblon pendant l'étape indiquée. En suivant l'exemple d'ajouts de l'image ci-dessus et en partant du principe que le temps d'ébullition est de une heure :

  • le premier ajout du houblon Challenger se fera à 60 minutes c'est à dire en début d'ébullition
  • le second ajout se fera à 15 minutes c'est à dire au bout de 45 minutes d'ébullition
  • le dernier ajout se fera à 1 minute c'est à dire au bout de 59 minutes d'ébullition

À noter 2 :

Le temps d'ajout est parfois indiqué avec une arobase. Toujours en suivant l'exemple précédent, ça donnerait : 

  • 45 g Challenger @60 min d'ébullition
  • 45 g Challenger @15 min d'ébullition
  • 45 g Challenger @1 min d'ébullition

3. Le refroidissement

Une fois l'heure d'ébullition terminée, il est temps de refroidir le moût. Pour se faire, il existe plusieurs façons de procéder, je vous énumère les principales, de la moins coûteuse à la plus chère selon moi :

  • Refroidir à l'air libre : ok c'est pas cher mais attention au risque d'infection ! À partir du moment où le moût refroidit, il faut TOUT désinfecter pour éviter la moindre déconvenue.
  • Le bac rempli de glaçons/d'eau froide. Personnellement, c'est la méthode que j'ai adoptée au début : je remplissais l'évier de ma cuisine de glaçons, je couvrais mon petit fait-tout et je tentais de refroidir les parois en le tournant énergiquement tout en essayant de ne rien renverser (tout un art !). Je pense que c'est pas mal pour commencer mais à vrai dire, on a vite envie de passer à l'étape supérieure pour moins galérer ...
  • Le serpentin en cuivre ou en inox. Après quelques brassins, j'ai décidé d'investir dans mon premier refroidisseur : un tuyau en cuivre tourné sur lui-même pour en faire un serpentin.

    Image : refroidisseur "à immersion", ici en acier inoxydable

    Connecté à l'eau froide du robinet, l'idée est d'immerger le serpentin directement dans le moût pour y faire circuler l'eau froide et ainsi faire baisser plus rapidement la température du moût. Oui, c'était une sacrée évolution mais bonjour le nettoyage ! Je me souviens avec tendresse (pas du tout) de ces moments à tenter de séparer comme je pouvais les morceaux de tuyaux entre-eux pour nettoyer du mieux possible les tâches de rouille avec une éponge imbibée de vinaigre (un grand moment ...).
  • Le refroidisseur à plaques : quel ne fût pas mon soulagement quand je suis enfin passée au refroidisseur à plaques !

      Image : refroidisseur à plaques


    Source image : alfalaval.fr, fonctionnement du refroidisseur à plaques

    Le concept : deux tuyaux sont assemblés pour faire circuler le moût chaud dans l'un et l'eau froide dans l'autre. Avantage : le moût refroidit beaucoup plus vite. Inconvénient : c'est impossible à ouvrir pour le nettoyer (ma technique : une fois utilisé, je le rempli de liquide désinfectant jusqu'à l'utilisation suivante. Je ne sais pas si c'est la meilleure solution mais jusqu'à maintenant ça m'a suffit...). C'est encore à ce jour mon système de refroidissement, même si je songe de plus en plus à passer au refroidisseur à contre-courant.
  • Le refroidisseur à contre-courant : un peu le même concept que le refroidisseur à plaques (deux tuyaux, le moût dans l'un, l'eau froide dans l'autre) mais ici la surface de "contact" est beaucoup plus importante, ce qui permettrait de refroidir plus vite qu'avec un refroidisseur à plaques.

    Image : refroidisseur à contre-courant

    Autre avantage que j'ai pu lire à droite à gauche : un entretien plus simple, celui-ci étant enroulé sur lui-même.

4. La fermentation

Quelque soit la méthode utilisée, une fois le moût refroidit, il est temps de passer à l'étape de fermentation. Attention : à partir de maintenant, comme je le disais plus haut, TOUT doit être désinfecté. Ça commence par verser le moût dans un fermenteur, avant d'y ajouter la levure. Ici aussi, plusieurs modèles sont disponibles. Pour cet article, je ne vais m'attarder que sur ceux que j'ai déjà utilisé.

  • le seau en plastique (budget moyen : 10-15€): on commence tous par là et je pense que selon le style brassé, ce type de fermenteur est tout à fait utile. Encore aujourd'hui j'en utilise pour tout ce qui est Stout, Saison ou encore Witbier. Pour les styles houblonnés comme les IPA, NEIPA, etc. en utilisant ce type de fermenteur, je vous le dis par expérience, vous pouvez être sûr à 99% que votre bière finira tôt ou tard par s'oxyder plus ou moins sévèrement. En effet, ce type de bière étant très sensible à l'oxydation, dans la mesure du possible et si votre budget vous le permet, il vaut mieux privilégier sa fermentation dans des fermenteurs plus "développés" voire, si possible, permettant de faire toutes les étapes suivantes en circuit fermé.
  • le fermenteur conique (budget moyen : 600-700€): là on passe direct à un budget bien plus élevé.

    Image : fermenteur conique Grainfather GF30

    Teddy, un ami passionné de brassage, nous a prêté le sien il y a quelques temps (merci !) et j'ai nettement vu la différence entre le seau en plastique et ce type de fermenteur. Quelques avantages : 
    • Pouvoir contrôler la température avec son thermomètre intégré (pratique par exemple, si on brasse avec une Kveik qu'on veut monter jusqu'à 30 - 35°C)
    • Pouvoir (si on a encore plus de budget) maintenir la température avec du glycol (pratique si on veut maintenir la température dans la fourchette basse d'une levure, coucou la Verdant IPA et mon fail sur cette recette de NEIPA en collab avec les copains de moneaudebrassage.fr)
    • Pouvoir presque tout faire en circuit fermé. Une fois en la possession de ce joli fermenteur, j'ai vite choisi de m'équiper pour pouvoir transférer ma bière à contre pression directement dans un keg pour carbonater tout ça.

  • le fût ou keg (budget moyen : 75-130€): une autre façon de fermenter c'est d'utiliser un keg, ce qui nous permet de fermenter sous pression en attendant de s'équiper d'un vrai fermenteur adapté à ce type de fermentation. 

    Image : soda keg, que j'utilise pour fermenter sous pression et pour carbonater ma bière

    Si vous souhaitez vous lancer, j'ai fait une vidéo qui explique comment s'y prendre, la voici :

    Il existe bien d'autres types de fermenteurs : la dame jeanne, le fermenteur en inox à fond plat, le fermenteur spécial fermentation sous pression (en PET ou en inox). Ne les ayant pas encore testés, je ne peux pas trop me prononcer sur ces types de fermenteurs mais je serais ravie de lire votre expérience :)

5. La mise en bouteille

Enfin, une fois la bière fermentée (et la densité finale atteinte et stable depuis plusieurs jours !), il nous reste à la carbonater et, en général, avant de parler de "carbo forcée en keg", on commence par les bouteilles. Et, sous peine de me répéter, attention à l'hygiène ! Avant de les (ré)utiliser, il faut bien les laver (et vérifier la présence potentielle du moindre résidus) et les désinfecter avec soin. Eh, oui, il faut répéter cela pour chaque bouteille.
Je vais donc m'attarder sur cette méthode et vous expliquer comment je m'y prends.

  1. Le sucre : je commence par calculer la quantité de sucre donc je vais avoir besoin pour carbonater ma bière. En effet, la carbonatation s'obtient ici par l'ajout de sucre, qui sera de nouveau consommé par la levure, qui le transformera en CO2 et BIM ça fait des bulles ! Comptez environ deux semaines pour que la carbonatation soit complètement aboutie. Pour calculer cette fameuse quantité de sucre, personnellement j'utilise le site brewersfriend.com mais il existe de nombreux calculateurs en ligne. Je publierai prochainement un article sur le calcul de la quantité nécessaire de sucre, en attendant disons que l'on part sur une quantité moyenne, soit entre 5 et 7g/L.
  2. Je verse ce sucre dans une casserole et ajoute un peu d'eau (juste ce qu'il faut pour couvrir le sucre) et je fais bouillir ça pendant quelques minutes pour stériliser le tout.
  3. Une fois que le sucre est bien dissous, je laisse refroidir (toujours avec le couvercle de la casserole pour ne pas risquer d'infection) et ensuite je verse le sirop obtenu dans un seau de resucrage (préalablement nettoyé et désinfecté).
  4. Le transfert : je transfère ensuite ma bière par dessus, à l'aide d'un autosiphon. Attention à ne pas faire de remous, sous peine d'oxyder la bière. Pendant tout le processus, je mélange doucement, de temps en temps, pour que le sirop soit réparti de la façon la plus homogène possible dans la bière.
  5. La mise en bouteille : ensuite, il est temps de mettre en bouteille. Je remplis celles-ci une à une à l'aide d'une canne de soutirage. 
  6. Sur chaque bouteille remplie, je pose immédiatement une capsule (désinfectée elle aussi mais faut-il encore réellement le rappeler ?) et je scelle tout ça grâce à une capsuleuse manuelle.
  7. C'est long et fastidieux mais, une fois la dernière bouteille remplie et capsulée (ce mot existe-t-il vraiment ?), le degré de satisfaction est tel que ça en vaut la peine, croyez-moi ! Pour finir, il nous reste à stocker les bouteilles, de préférence à température ambiante et à l'abris de la lumière, durant au moins deux à trois semaines. Je répète : durant au moins DEUX À TROIS SEMAINES.

    Comme le dit l'expression, "une image vaut mieux que mille mots", alors une vidéo, je ne vous dit même pas ! J'avais fait une vidéo tuto sur le sujet de la mise en bouteille il y a quelques années, la voici :

Voilà, comme je vous le disais au début de cet article, il est difficile de condenser tout ça en un seul article, j'espère que j'ai réussi à aborder les points essentiels et que j'ai peut-être réussi à répondre à certains doutes auxquels nous sommes confrontés lorsque l'on découvre le monde du brassage.

Je suis curieuse de connaître vos incontournables pour débuter dans le brassage de la bière, n'hésitez pas à les partager ci-dessous !

2 commentaires

  • Alice MotlerHops

    @Patrick
    Bonjour Patrick,
    Merci pour votre commentaire ! Il est vrai que lorsque l’on débute, appréhender une fiche de recette n’est pas forcément très simple. Au départ j’avais aussi toujours un doute au niveau des temps d’ébullition mais plutôt de savoir si je devais ajouter les houblons PENDANT x minutes ou APRÈS x minutes. C’est intéressant de voir d’autres façons d’appréhender les choses :)

  • Patrick

    Bonjour. Merci pour ces rappels. Les temps d’ébullition sont bien expliqués. Dans mon cas, j’avais au début mal interprété les différentes étapes, additionnant les temps d’ébullition: 60 min + 15 min + 10 min, ce qui donnait évidemment des résultats non satisfaisants en termes d’amertume, de goût et de volume. J’ai bien sûr rectifié ensuite.
    Merci pour la clarté de vos explications en général.

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